L'arche d'alliance de l'église St-Roch à Paris. © Al Sufi
Dans l'église Sainte-Marie-Madeleine de Rennes-le Château, entre autres statues, nous trouvons celle de saint Roch. Cela n'a rien d'étonnant en soi, saint Roch est très populaire dans l'Aude et toutes les églises de la région en possèdent une statue sans doute à cause des épidémies de peste qui ravagèrent le pays au Moyen Âge puis au XVIIe siècle. Ce saint, en effet, est réputé pour soulager et guérir les pestiférés. Iconographiquement, il se présente avec la jambe droite découverte et montre une blessure à la cuisse ou un bubon (bien que médicalement parlant, un bubon n'a rien à faire sur une cuisse puisque c'est l'inflammation d'un ganglion qui se trouve dans l'aine). Il porte les insignes et le bourdon de pèlerin. Il est toujours accompagné d'un chien serrant dans sa gueule un pain rond, un pain rond qu'affectionne particulièrement l'abbé Henri Boudet dans la VLC.
Roch naquit à Montpellier vers 1340. A sa majorité, il distribua tous ses biens aux pauvres et partit en pèlerinage à Rome. Mais la peste noire décimait les populations et Roch soignait les malades de ville en ville, puis à Rome qui était aussi touchée par la pandémie. A son retour, il contracta la maladie et se retira dans une forêt pour ne pas contaminer autrui. Afin d'apaiser sa fièvre et laver une blessure qu'il avait à une cuisse, un ange fit jaillir une source. Un chien lui rendait visite et lui apportait quotidiennement un pain qu'il dérobait à son maître. Puis Roch reprit le chemin de Montpellier car l'ange lui avait dit qu'il retrouverait la santé. Hélas, traversant une province en guerre, il fut emprisonné et mourut au bout de plusieurs années de captivité, en odeur de sainteté, vers 1378.
Notre-Dame de Marceille
Rendons-nous maintenant à la basilique Notre-Dame de Marceille, près de Limoux (Aude). Saint Roch, comme de coutume, porte les insignes et le bourdon de pèlerin et est accompagné du chien et de son pain rond.
Mais à bien l'observer, deux différences nous sautent aux yeux entre cette statue et celle de Rennes-le-Château. A Rennes, il a la tête découverte et montre sa jambe droite blessée. A N-D de Marceille, il porte un chapeau et dénude sa jambe gauche ! Un hasard ? Certainement pas. Le genou gauche découvert signifie qu'il est initié. Il a certainement quelque chose à nous révéler ce bon saint Roch, notamment à la première station du chemin de croix qui est, on ne peut plus surprenante. Elle devrait faire figurer Ponce Pilate se lavant les mains à la fin du procès du Christ, or ici, ce n'est pas le procurateur romain qui se lave les mains mais le Grand Prêtre. On le reconnaît sans erreur possible à ses vêtements et à sa longue barbe partagée en deux à la mode des Judéens de l'antiquité. Le pouvoir spirituel aurait-il absorbé ou éliminé le pouvoir temporel ?
Y a-t-il autre chose à découvrir sur cette station du chemin de croix ? Assurément. Le visage du Christ est identique à celui de saint Roch. Ils ont tous les deux la même pose mais inversée. Le chapeau de saint Roch a la même forme que l'auréole du Christ. Saint Roch est un double en miroir de Jésus et sa blessure à la cuisse ressemble beaucoup à celle qu'Adonis reçut d'un sanglier et dont le sang rougit la rivière du même nom. (Lire : Origines des mythes chrétiens - Le Serpent Rouge)
L'église St Roch de Paris
© Johan Netchacovitch | Il existe un autre lieu en France où nous trouvons à la fois saint Roch initié et le Grand Prêtre se lavant les mains : à Paris, dans le 1er arrondissement, à l'église Saint-Roch. (Voir sur le Portail de Rennes-le-Château la station de la condamnation de Jésus). Comme à Notre-Dame de Marceille, le Grand Prêtre se tourne vers le spectateur afin que nous remarquions la singularité de sa représentation. L'église Saint-Roch fut bâtie au XVIIe siècle sous Louis XIV. Le règne de ce roi fut décidemment très mystérieux. A l'intérieur on y trouve, dans la chapelle de l'Adoration ou de la communion, un tabernacle en forme d'arche d'Alliance (daté de ca 1840). L'originale, qui contenait les Tables de la Loi que reçut Moïse au Mont Sinaï, se trouvait dans le Saint des Saints du Temple de Jérusalem, et on a voulu reproduire ici-même, cet espace sacré du Temple, avec son Tabernacle et son Arche, ses chandeliers à sept branches, et sa grande tenture - le voile du Temple -. Pourquoi ? Curieusement, la passion du Christ est représentée sur l'arche. Les scènes sont d'ailleurs transposées en Egypte, au temps de Moïse. Les personnages sont vêtus à l'égyptienne tel qu'on peut les voir sur les fresques des tombeaux de pharaons ou sur les murs des temples. Des anges portent les ailes d'Isis.
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Détail de l'arche d'alliance. |
La deuxième particularité est la fusion entre le Tabernacle et l'Arche. Moïse, dans l'Exode reçoit l'ordre de Dieu de fabriquer, et le tabernacle, et l'arche. Ce sont deux objets bien distincts. Ici, ils ne font plus qu'un. Cette idée est renforcée par les deux alliances, celle du Premier Testament (ancien) et celle du Second Testament (nouveau) qui fusionnent en une seule alliance sous forme d'arche unique dans, je le rappelle, la chapelle de la Communion.
Cette nouvelle arche symbolise-t-elle une réunification après un conflit ? Un conflit au sein même de l'Eglise ?
La Demeure Mystérieuse
Maurice Leblanc va peut-être nous aider. On ne remerciera jamais assez Patrick Ferté qui a découvert les multiples liens entre l'œuvre de l'auteur des aventures d'Arsène Lupin et l'affaire de Rennes-le-Château. (P. Ferté, Arsène Lupin, Supérieur inconnu, Guy Trédaniel, Paris, 1992)
Le thème du conflit est souvent traité par Leblanc. Dans la Demeure Mystérieuse (1ère parution en 1928), il est la trame de l'énigme. Dans ce roman d'aventure, la famille de Mélamare est persécutée depuis trois quarts de siècle. Jules de Mélamare, accusé à tort, meurt dans sa cellule. Vingt cinq ans plus tard, son fils Alphonse, accusé lui aussi, se rappelant « le calvaire de son père », se suicide. Alors nait la « légende de malédiction qui s'appesantit sur l'hôtel funeste où le père et le fils avaient vécu ».
La malédiction des Mélamare provient de la rivalité de deux « races » opposées : les Mélamare et les Martin.
Nous apprenons par la bouche de Jean d'Enneris (Jean de Reinnes), alias Arsène Lupin, que « l'origine du mal est plus lointaine » qu'elle n'y parait. Plus précisément, « c'est en 1772 » que l'aïeul du comte de Mélamare, François de Mélamare va déclencher malgré lui ce conflit. François de Mélamare dont les initiales sont FM comme Franc-Maçonnerie.
Or, 1772 est l'année de la dissolution de la Grande Loge de France. Maurice Leblanc semble vouloir lier l'affaire de Rennes-le-Château à la Franc-Maçonnerie et imputer à celle-ci l'origine du conflit.
En 1773, des cendres de la Grande Loge de France naîtront deux obédiences rivales, la première : La Grande Loge Nationale, connue aussi sous les appellations de Grande Loge de France et Grande Loge de Clermont. La seconde : le Grand Orient de France. Il y eu une tentative de réunification en 1799 mais sans succès.
Jean d'Enneris alias Arsène Lupin va révéler toute la vérité sur l'affaire de la Demeure Mystérieuse. Le coupable, Antoine Fagerault va « redevenir honnête », se « délivrer du passé en détruisant l'hôtel Valnéry » (la fameuse demeure mystérieuse), « rompre avec les Martin », (...) « acheter l'hôtel de la rue d'Urfé » pour s'y installer et « réunir en » lui « les deux races ennemies ». C'est en tout cas le vœu d'Enneris. Fin du conflit !
De là à conclure que la Franc-maçonnerie est au centre de l'affaire de Rennes-le-Château, il n'y a qu'un pas que je me garderai bien de franchir. Je pense au contraire qu'il y a effectivement conflit et réunification, mais que ceux-ci sont symboliques, tout comme le sont l'arche d'alliance-tabernacle et les deux tombeaux - le vide et le plein - (lire : Un tombeau en Arcadie).
Certains chercheurs se vantent d'avoir trouvé l'emplacement du « trésor ». Ils n'ont réussit, en fait, qu'à parcourir la moitié du chemin. Ils ne ramasseront que des miettes, si on en croit Maurice Leblanc qui, par la bouche de Raoul d'Avenac (alias Arsène Lupin), s'exprime ainsi :
« Je suis le premier qui, dans cette affaire, ne se soit pas arrêté à mi-chemin »
(Maurice Leblanc, La Barre-Y-Va, Paris, 1930, chapitre 15)
A bientôt...
C.P.
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