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17 septembre 2009 4 17 /09 /septembre /2009 14:23



L’église de Rennes-le-Château abrite  quatre statues de saints disposées symétriquement sur les côtés de la nef. Nous avons étudié saint Roch dans un article qui nous a conduit à la basilique Notre Dame de Marceille (Limoux) ainsi qu’à l’Arche d’alliance de l’église Saint-Roch à Paris. A Rennes, face à  saint Roch se trouve sainte Germaine, mais dans la petite église de Bérenger Saunière et sa symbolique, elle a, elle aussi, une signification toute  particulière.

 

 Germaine de Pibrac

sainte Germaine de Pibrac

Germaine Cousin est née vers 1577-1579 à Pibrac près de Toulouse en Haute-Garonne. Elle meurt à l’âge de 22 ans sous le règne d’Henri IV. Le cardinal de Joyeuse est  alors archevêque de Toulouse [1]. Germaine se fait enterrer dans l’église paroissiale de Pibrac. Son corps intact est redécouvert en 1644. Elle est béatifiée le 7 mai 1854, puis canonisée le 29 juin 1867. Elle se fête le 15 juin. On ne connaît d’ailleurs ni sa date de naissance, ni sa date de décès, ses actes de baptême et de sépulture se sont volatilisés en même temps que les registres paroissiaux. On suppose que son décès eut lieu le 15 juin de l’année 1600 ou 1601[2].  En revenche sa légende hagiographique regorge de nombres à forte connotation symbolique tels le 22 et le 17, nombres que nous avons déjà évoqué dans un précédant  article. L’abbé Adrien Salvan, dans son histoire de sainte Germaine de Pibrac (cf. édition post-mortem de 1886), va lui-même ajouter le troisième des nombres fatidiques que l’on retrouve systématiquement dans l’affaire de RLC — je le cite : « La perte des Mémoires primitifs sur sa vie ne nous permet point de marquer l’époque précise où elle dut être admise pour la première fois au banquet eucharistique ; on peut, sans crainte d’erreur, la placer à la onzième année de son âge, ce qui nous porte en 1589 » [3]. Le 11 est un nombre pivot, entre hier et demain. Il est le milieu ou le midi de la vie, non pas de Germaine Cousin, mais de sainte Germaine, entité éthérée dont l’histoire a été réécrite au 19e siècle selon les besoins ou les desseins d’une France catholique en perdition.

 

Le Bon Pasteur

agnus deiOn la surnommait la « Bigote » à cause de sa grande ferveur spirituelle, mais aussi  la  « manchote », car elle était infirme d’une main. Ne pouvant se servir d’une de ses mains, elle soutenait sa quenouille dans la saignée de son bras replié tel l’agneau pascal tenant dans le pli de sa patte avant l’emblème de son sacrifice. La brebis égarée du confessionnal de l’église de Saunière n’est-elle pas estropiée, elle aussi ? Observons le décor. La scène se situe dans un demi-cercle fractionné en douze segments, ou arcs, marqués par un gros bouton. En tout, douze boutons indiquent le début et la fin des heures du jour comme le feraient douze soleils du lever au coucher. La tête triangulaire de la brebis n’est pas dirigée vers le regard du Christ mais vers le point par lequel se termine la onzième heure et commence la douzième.

Certains chercheurs ont voulu voir dans cette scène le berger Paris découvreur d’un immense trésor. Ne serait-ce pas plutôt une allusion à la congrégation du Bon-Pasteur ? Cette congrégation fut fondée à Angers en 1835 par Rose Virginie Pelletier (1796-1868) — sœur Marie-Euphrasie — pour recueillir les fillettes en « perdition ». Les buts de communauté était de 1°) « retirer du vice ces malheureuses créatures et leur offrir les moyens d’une conversion sincère ». 2°) « offrir un refuge à l’innocence en danger »[4]. Les jeunes pensionnaires sont séparées en Pénitentes et en Préservées. La Maison mère d’Angers ne tarde pas à prospérer et d’autres établissements s’ouvrent en France, et pour cause, les religieuses exploitent littéralement les enfants en les employant gratuitement dans des ateliers de couture, de confection ou autres. Les fillettes travaillent de dix à douze heures par jour n’ayant pour salaire que le gîte et le couvert. Grâce à cette main d’œuvre à bas prix, la congrégation fait des profits énormes et se développe de façon exponentielle. A la mort de la Supérieure, le Bon-Pasteur compte 110 Maisons de par le monde et 3800 religieuses.

Maintenant nous allons voir comment l’abbé Salvan, dans son Histoire de sainte Germaine  tisse le  lien entre le Bon-Pasteur et  la sainte de Pibrac.

Le miracle des fleurs

La jeune bergère partait chaque matin avec son troupeau. Elle emportait un pain qui devait lui servir à se nourrir pendant la journée entière. Elle avait soin aussi de prendre des restes de nourriture qu’elle trouvait par-ci par-là dans la ferme de sa famille pour distribuer en secret aux pauvres. Elle portait le tout dans son tablier. Mais Germaine était constamment épiée par sa marâtre qui la soupçonnait injustement de voler de la nourriture pour la donner aux miséreux. Elle suivit la jeune fille, se précipita sur elle, la frappa avec un bâton et ouvrit le tablier. Celui-ci ne contenait aucun pain, aucune denrée, mais de somptueuses fleurs fraîchement cueillies, alors que nous étions en hiver. Surprise par ce prodige, la cruelle marâtre cesse de poursuivre la jeune fille et rentre à la ferme. Le pain changé en fleurs est, dit-on, le plus grand des miracles de sainte Germaine opérés de son vivant.

Toujours est-il que Germaine ne mangeait rien de la journée et qu’elle préférait supporter sa propre  faim plutôt que de refuser le don de son pain aux pauvres mendiants. L’abbé Salvan s’interroge. La pensée lui effleure l’esprit qu’un autre miracle aurait pu avoir lieu, puis finalement il se ravise :

          

« Nous ne trouvons point, à  la vérité, dans sa vie que ce pain se soit miraculeusement multiplié sous sa main pour servir son ardente charité, mais ce prodige n’a été que différé, puisque, bien des années après sa mort, et de nos jours, son intercession puissante a multiplié la farine de froment au sein d’une sainte communauté de France (le Bon-Pasteur, à Bourges) »[5].

                  

Effectivement, en 1845, alors que les religieuses du Bon-Pasteur de Bourges manquent de pain, la Supérieure de la communauté recommande à ses filles d’effectuer une neuvaine à Germaine cousin qui n’était pas encore béatifiée.  Comment l’idée lui est-elle venue ? Connaissait-elle l’abbé Salvan, lui qui se voua corps et âme à la petite bergère de Pibrac dans le but de la faire béatifier puis canoniser ? Ou avait–elle lu les tout premiers récits de ses miracles qui devaient déjà circuler dans la presse ecclésiastique ? Le résultat ne se fait pas attendre. Le 1er décembre, la pâte à pain se multiplie dans des proportions non négligeables ; le phénomène se reproduit le 6 du même mois. En janvier 1846, c’est la farine qui est multipliée à raison de 150 mesures pour une [6] !

 

Jeu de piste

Dans l’Île aux trente cercueils, le plus sombre des romans de Maurice Leblanc, l’héroïne, Véronique, est envoyée sur un jeu de piste macabre dont l’action se situe en Bretagne, pays des Celtes, des druides, et des pierres levées. Apercevant un panneau indicateur, Véronique se dit « voilà l’endroit » mais ne trouve pas ce qu’elle cherche même après avoir « jeté un regard circulaire ». Les cloches de l’angélus sonnent. Il est midi. Cercle, axe Nord-Sud, midi, méridien : des termes qui nous sont familiers. Véronique relit le courrier du Sieur Dutreillis alias Arsène Lupin. Pour se repérer, elle doit d’abord trouver « un demi-cirque entouré d’arbres ». Elle découvre alors une cabane de berger avec, gravés sur la porte ses propres initiales et le paraphe de sa signature de jeune fille, ainsi qu’une flèche et le numéro 9. A l’intérieur de la cabane gît le cadavre d’un homme barbu et aux cheveux longs. Elle ramasse un rouleau de papier sur lequel sont dessinées quatre femmes en croix [7].

 

Vitrail la Mission des Apôtres (détail) Quand Véronique revient plus tard avec les autorités, le cadavre a disparu. Elle poursuit son jeu de piste qui la conduit à une nouvelle flèche et au numéro 10. Fin du premier chapitre. Ensuite elle trouve les numéros 11, 12, 13 et passe directement au 17 qui est la fin de son parcourt. Il se termine par la découverte, sur le littoral,  d’une « petite baie ». Dans le langage codé de Leblanc, il semblerait qu’il s’agisse d’une petite baie vitrée, allusion à un vitrail  et plus particulièrement à celui de l’église de Rennes-le-Château qui se trouve derrière la statue de St Antoine de Padoue et qui représente Jésus envoyant les apôtres en mission. Il les enseigne et les renseigne, devrait-on dire, sur leur rôle d’évangélisateur. Sur ce vitrail, on distingue très nettement les caractères ΘNIS suivis de 17.09.84. Or, si nous résumons le parcourt de Véronique, celui-ci se termine par le 17, commence par le 9, et il est midi, soit 12 heures quand l’héroïne identifie son point de départ. Et 12 est bien la somme de 8 et 4. En fait, par rapport au vitrail « ONIS », le parcourt de Véronique est inversé mais constitue une preuve que Maurice Leblanc connaissait parfaitement le vitrail en question. Oui, mais voilà, il existe un sérieux problème à cette thèse. En effet, dans la nuit du 7 au 8 mars 1984 le vitrail fut brisé par des vandales. Il fut restauré par quatre personnes qui ont souhaité garder l’anonymat mais dont l’une d’elle pourrait être Alain Féral (pseudonyme Spatz), d’après l’auteur de l’article VITRAUX de l’ABC de RLC [8]. Toujours d’après le même auteur, les lettres ONIS pourraient être les initiales des quatre artistes, et 17.09.84, la date de la restauration du vitrail. Nous verrons plus loin qu’il n’en est rien. Pour le moment, nous nous poserons cette question : qui a copié l’autre ? Autrement dit, Maurice Leblanc fait-il, avec sa suite de nombres, une allusion au vitrail de la Mission des apôtres ou bien les quatre anonymes se sont-ils inspirés du roman de Maurice Leblanc ? La signature ONIS -17.09.84 date-t-elle de l’époque de  Saunière ou de 1984 ?



>>> Suite de l'article


Notes
________________________

 

[1] Salvan (abbé), Histoire de sainte Germaine de Pibrac, Le Livre d’Histoire, Paris, 2007, réimpression de l’édition de 1886,  p. 76

[2] Ibid., pp. 26 et 124. Salvan conteste la date de 1601. Il tient absolument à ce que Germaine soit décédée à 22 ans.

[3] Ibid. p. 38.

[4] Œuvre catholique du Bon-Pasteur, 1849, 10, cité in Patrick Taron, Le Bon-Pasteur angevin et la législation sur le travail des enfants au XIXe siècle, Déviance et société, année 2000, volume 24, n°2, pp. 123-141.

[5] Salvan (abbé), op. cit. p. 58.

[6] Pierre Delooz, Les miracles : un défi pour la science ? De Boek et Larcier, Bruxelles, 1997. p. 152.

[7] Maurice Leblanc, les aventures extraordinaires d’Arsène Lupin, tome 2, Omnibus, Paris 2004, L’île aux trente cercueils, 1ère partie.

[8] Collectif, l'ABC de RLC, éditions Arqua, Marseille, p. 517.

 

© Catherine Pierdat, le 17.09.09 – Tous droits réservés.

 

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commentaires

V
J’aime beaucoup les sujets que tu traites, qui semblent tellement simples et habituels pour nous blogueuses qu’on ne pense même pas à en faire un article.
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V
je passe en coup de vent pour te souhaité une bonne fin de journée gros bisous
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V
Un blog sympa que je découvre seulement !
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V
Ton blog est formidable, travail de grande qualité... Je suis certaine que beaucoup seront d'accord avec moi même s'ils ne prennent pas le temps de te le dire.
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V
Coucou, ton blog est trop ! Je viens tous les jours et cela me plait beaucoup!!!<br /> Merci et bonne continuation !
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